Guerre en Ukraine: La Russie, un mastodonte sur le plan militaire
Le résultat d’une invasion d’une ampleur inédite en Europe au XXIe siècle et probablement mal envisagée par une partie de la communauté internationale (rappelons qu’au moment de l’invasion de la Crimée, en 2014, Barack Obama parlait d’un pouvoir régional déclinant). Ainsi, en dépit d’une communication ukrainienne et occidentale qui se veut résolument positive, les forces russes avancent progressivement vers leurs objectifs: occuper Kiev pour y faire tomber le régime en place et le remplacer par un gouvernement plus réceptif aux intérêts de Moscou. Et moins décidé à rejoindre le camp atlantiste.
Une offensive menée sur de multiples fronts et qui s’aventure bien au-delà des zones où les Ukrainiens favorables à la Russie vivent en nombre. Une opération qui dénote surtout d’un aspect géopolitique rarement évoqué dans le camp occidental, celui du rôle que peut jouer une armée conventionnelle, y compris à une époque où l’on pensait la paix durablement installée sur le Vieux continent. Le HuffPost fait le point sur cette puissance militaire russe.
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Un arsenal nucléaire inégalé
Depuis le début du conflit en Ukraine, c’est une menace qui inquiète bien au-delà des frontières locales. Ce dimanche 27 février, le président russe Vladimir Poutine a fait savoir qu’il avait placé les forces de dissuasion nucléaire de son pays en “régime spécial d’alerte”. En outre, la constitution de l’allié biélorusse a été amendée pour permettre au Kremlin d’y déployer des armes atomiques.
Si certains pays, à l’image notamment du Royaume-Uni, assure n’y voir qu’une tentative d’intimidation, celle-ci provient néanmoins de l’un des pays les mieux équipés de la planète en matière nucléaire.
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Selon le dernier “Nuclear Notebook” publié par le Bulletin of the Atomic Scientists, la Russie dispose ainsi à date de près de 1200 têtes nucléaires pouvant être lancées au moyen de missiles de longue et de moyenne portée et de silos, d’environ 800 autres placées à bord de sous-marins et de plusieurs centaines de bombes pouvant être lâchées depuis des avions, à l’image du bombardier supersonique “Blackjack”. Et cela sans même évoquer les près de 2000 têtes supplémentaires destinées à des dispositifs défensifs.
Soit une capacité de frappe bien trop importante par rapport aux capacités anti-missiles de l’Europe. On peut évoquer à cet égard les missiles de type Sarmate, capables de frapper à 18.000 kilomètres de distance tout en transportant des charges extrêmement puissantes et en adoptant une trajectoire et une vitesse qui les rendent inarrêtables.
Pour l’heure, les scientifiques américains Matt Korda et Hans Kristensen, auteurs du “Nuclear Notebook” disent toutefois de ne pas avoir la preuve que des armes nucléaires aient été déployées à la frontière de l’Ukraine. Une chose est sûre en revanche: des lanceurs pouvant être utilisés pour des armes conventionnelles comme atomiques l’ont déjà été.
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Au sol, des troupes nombreuses
Si l’on se fie aux données de GlobalFirePower, un site de référence sur le sujet, c’est au sol que les Russes disposent du plus grand avantage sur les Ukrainiens. Avec 850.000 soldats d’active, dont 200.000 mobilisés aux frontières de l’Ukraine avant le début de l’invasion, ils surpassent largement leur voisin, qui lui dispose en tout et pour tout de quelque 200.000 soldats. Ces derniers sont toutefois renforcés, il est vrai, de très nombreux réservistes, tous les hommes de plus de 18 ans étant actuellement interdits de quitter le territoire.
Une différence quant aux soldats de métiers qui est encore plus frappante si l’on se penche sur l’armement en termes de blindés de la Russie. Elle a ainsi été capable de déployer depuis le début de l’invasion des dizaines de groupements tactiques interarmes, ces colonnes que vous avez pu voir sur les réseaux sociaux regroupant à la fois des chars, de pièces d’artillerie et des véhicules blindés d’infanterie.
Et encore, si le déploiement de forces est impressionnant d’un point de vue occidental, où les armes conventionnelles sont en net recul, Moscou dispose de ressources bien plus impressionnantes, n’ayant engagé qu’une partie de ses quelque 12.000 chars, 30.000 véhicules blindés ou 18.000 pièces d’artillerie (motorisées ou tractées par des véhicules). Logique quand on sait que la Russie consacre plus de 4% de son PIB aux dépenses militaires, d’après les dernières données de la Banque mondiale. Soit quasiment 55 milliards d’euros.
Sauf que d’après les spécialistes militaires, cette supériorité numérique n’empêche pas les Russes d’essuyer de lourdes pertes. Avec une conversion progressives des troupes ukrainiennes et même de la population, dans les villes, en une sorte d’armée de guérilla, les troupes du Kremlin se heurtent à une résistance d’un genre plus difficile à gérer. Au point que l’analyste Michel Goya évoque, dès ce lundi 28 février, des pertes plus lourdes en Ukraine que durant toute la guerre en Syrie pour Moscou.
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La suprématie aérienne certes, mais…
L’autre grand domaine de domination russe se trouve dans le ciel. Dans les jours précédant le déclenchement de l’offensive, environ 500 avions et hélicoptères de combat avaient été déployés autour de l’Ukraine, sur les plus de 4000 que compte la Russie (contre 300 à l’Ukraine).
Cela a notamment donné les images de colonnes d’hélicoptères de combat supérieures en nombre à, par exemple, l’ensemble des capacités de l’armée française. Et à des frappes ciblées contre des objectifs militaires sur le sol ukrainien.
Cet atout, qui n’avait pas été utilisé lors de la guerre au Donbass, en 2014, a ainsi permis à la Russie, ce lundi 28 février, de déclarer sa “suprémacie aérienne”, soit le contrôle du ciel d’Ukraine.
Reste toutefois un caillou dans la botte des hommes de Vladimir Poutine: les récents investissements ukrainiens dans des drones, et en particulier le Bayraktar TB2, produit par la Turquie. Grâce au soutien financier de l’Occident, et en particulier des États-Unis, l’Ukraine peut ainsi se targuer d’offrir une résistance à l’avancée russe grâce à cette menace aérienne, largement célébrée dans la communication de crise des autorités de Kiev.
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Tchétchénie et Biélorussie, des alliés qui comptent
On l’a dit: pour mener son opération ukrainienne, le Kremlin a multiplié les points d’entrée sur le territoire de son voisin, et cela notamment grâce à l’appui non-négligeable des Biélorusses. Menés par le parfaitement complaisant Alexandre Loukachenko, ce pays qui partage près de 900 kilomètres de frontière avec l’Ukraine a ainsi servi de porte d’entrée aux Russes. Et leur a offert un soutien logistique important au vu de l’ampleur de l’attaque, permettant en outre que des missiles soient lancés depuis son sol.
Et depuis que les hostilités ont débuté, le Bélarus a même autorisé le déploiement d’armes nucléaires sur son territoire, autorisé que des frappes aériennes russe y soit lancées (contrairement à un engagement antérieur pris auprès d’Emmanuel Macron notamment) et participerait même aux offensives avec des troupes au sol. De sources américaines, des forces spéciales auraient ainsi été rapidement engagées par le pouvoir de Loukachenko, et des renforts sont prévus dès ce lundi.
Dans la même veine, et même si eux font déjà partie de la Fédération de Russie, les Tchétchènes de Ramzan Kadyrov prennent eux aussi part aux combats. Avec en plus un objectif subsidiaire: celui de jouer sur les stéréotype de brutalité et du caractère impitoyable des soldats de cette République entièrement dévouée à un président ravi de clamer partout qu’il est avant tout un “soldat” de Poutine.
C’est ainsi qu’après trois jours de combats en Ukraine, de nombreuses vidéos ont été mises en ligne par des comptes tchétchènes (y compris l’Instagram, depuis supprimé, de Kadyrov) pour crier cette envie de combattre et montrer la motivation des combattants musulmans. Une communication qui s’est accompagnée de chiffres totalement surévalués concernant les effectifs mobilisés.
Il n’en reste pas moins qu’en plus de ce rôle psychologique, des soldats tchétchènes participent bel et bien aux affrontements. Des forces spéciales ont par exemple été montrées hissant leur drapeau national sur un bâtiment officiel dans la grande banlieue de Kiev. Et chacun de ces groupes revendique d’ailleurs sa singularité: alors que les véhicules russes arborent un “Z” peint en blanc, les Tchétchènes, eux, ont un “V” et les Biélorusses un carré rouge.
Car au-delà de tous ces chiffres, c’est probablement la capacité de résistance mentale des Ukrainiens face à ces agressions multiples qui décidera de la durée et de la suite du conflit.
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