Je suis médecin, et en cette fin 2020, comme vous, je suis perdue – BLOG
Neuf mois se sont écoulés depuis que je vous confiais mes premiers mots. Il y a neuf mois nous allions voter aux élections municipales: leur tenue avait été jugée indispensable pour la démocratie et risque sanitaire, acceptable. Difficile de croire tout ce qu’il s’est passé depuis. À la mobilisation générale pour le système de santé ont succédé confinement, applaudissements, attention à l’autre puis polémiques, secrets, complotismes, état d’urgence sanitaire, vacillement de l’économie, remises en cause de nos libertés individuelles et collectives, atteinte à la liberté de la presse, mise en péril de la démocratie…
Les belles paroles ne sont plus. Des vérités sont assénées. Au secret défense ont succédé des réseaux de défiance.
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J’entendais récemment l’un de mes confrères dire sur un plateau qu’en médecine on ne sait pas dire: “je ne sais pas”. Cette simple phrase m’a fait sauter au plafond et a fini de me convaincre de l’échec de ces derniers mois.
Nous avons failli. Nous avons échoué. Nous n’avons pas compris
Au lieu de ça l’appât médiatique et les ambitions individuelles ont eu raison de nos tempérances. Sobriété, modération et prudences se sont transformées en boulimie d’informations, en médiatisations à outrance, en ivresses de pouvoir. Tout le monde a eu son mot à dire, son avis à donner, son traitement à promouvoir et aujourd’hui, nous sommes saouls, noyés dans un océan de “vérités” aussi nombreuses qu’erronées. Vérités, contre-vérités, ordres, contre-ordres: désordres.
Aujourd’hui, comme vous, je suis perdue
Concernant les vaccins, nous ne pouvons pas échouer. La mascarade des masques ne doit pas être suivie d’une improvisation de vaccination et les pouvoirs publics redescendent de leur piédestal pour le comprendre. Je ne leur demande même pas de mea culpa, je leur demande juste d’ouvrir les yeux et de comprendre que pour réconcilier la population avec le vaccin, il leur faudra faire preuve de transparence, d’humilité et d’exemplarité et de clarté.
Moi, médecin généraliste, j’aimerais que l’on m’explique
La méfiance de la population, née entre autres de l’illusion du gouvernement de tout savoir, tout contrôler, tout comprendre, devra être combattue. Notre seule arme sera pour cela de l’éducation. De l’information. Claire, contrôlée et éclairée. Il faudra dire ce que l’on sait autant que ce que l’on ne sait pas. Il y a un an, personne ne leur en aurait voulu d’expliquer que nous étions face à un nouvel ennemi, inconnu, perfide, agressif, mais ils se sont enferrés dans la tenue des élections, dans l’inutilité des masques plutôt que l’aveu de pénurie. J’aurais préféré qu’ils n’appliquent pas la théorie de Marivaux selon laquelle “toute vérité n’est pas bonne à dire”. J’aurais préféré que notre ministre ne remplace pas la vérité scientifique par une vérité politique et qu’il se souvienne de son quotidien de médecin: oser dire quand on ne sait pas. Hier, j’ai dû expliquer à ma patiente que ses lésions étaient peut-être cancéreuses… J’ai détesté mon “peut-être” à l’instant précis où il s’est échappé de ma voix, certaine que cette assertion finirait de détruire ses fêtes de fin d’année déjà bien écorchées. J’ai néanmoins la naïveté de croire qu’elle méritait une vérité, j’ai la candeur de croire qu’en cet instant précis, mon aveu d’ignorance m’honore. En médecine, il nous faut apprendre la patience malgré l’impatience d’un diagnostic ou d’un résultat. “La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien” disait Socrate: dommage qu’au cours de cette année écoulée certains n’aient pas eu la sagesse, la patience ou l’humilité de l’écouter…
Je vous souhaite à tous, dans cette période éminemment exceptionnelle, de profiter malgré tout de vos fêtes: profitez de vos proches, mais soyez prudents. Imbibez-vous des rires des enfants. Retrouvez dans leur candeur l’envie d’aller de l’avant. Dites-vous que si le gel, les masques et les tests sont présents cette année, ce ne sera que pour d’autant plus danser l’année d’après. Protégez-vous, protégez-les, protégez-nous. Et merci pour tout.
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