Je suis professeur des écoles, mais on ne m’a pas appris à parler d’attentat – BLOG
Je suis stagiaire à mi-temps. Je passe les trois premiers jours de la semaine à la fac et le reste à l’école. Pour les CM1/CM2, je suis “la maîtresse du jeudi”. Mais moi, comment suis-je censée m’y prendre pour aborder cet attentat avec des élèves de 10 ou 11 ans? Au cours de l’année, je vais être amenée à développer diverses questions en éducation morale et civique (EMC). Les instructions officielles balisent ce qui doit être abordé avec les élèves: le respect, les valeurs de la République et la culture civique. À l’école élémentaire, les élèves développent une culture de la règle et du droit, de la sensibilité, du jugement ou encore de l’engagement.
Certes. Mais pour aborder cet attentat qui porte atteinte aux valeurs de la République et à ma profession, ces instructions ne suffisent plus pour me guider. Quand un événement d’une telle violence survient, que dois-je faire face à mes élèves? Comment aborder cette question si délicate? Et surtout, comment employer les bons mots?
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Il y a un fossé entre ma formation et la pratique sur le terrain
Mais suis-je vraiment légitime face à ces élèves? Il existe un fossé entre la formation universitaire et la pratique sur le terrain. J’ai énormément appris durant ma licence, mais surtout de la théorie. En master 1, j’ai consacré mes journées (et mes nuits) à préparer mon concours. Une grosse sélection, seulement 20% de réussite dans mon académie. Et durant tout ce temps, bien que plongée dans l’univers de l’éducation, j’étais assez loin de m’imaginer comment se passe concrètement une année scolaire aux côtés de tous ces petits êtres.
Mes deux stages dans l’année, courts et sans responsabilité, ne m’ont pas permis de me mettre suffisamment en condition. En M1, durant le premier semestre, j’étais tous les vendredis dans une classe de maternelle. Seulement, j’étais dans une posture d’observation, et avec une autre étudiante. J’avais une semaine pour préparer une séance à mener. En cas d’imprévu, la titulaire était là, et je le savais. Même protocole pour mon stage de deux semaines avec des cycles 3 (CM1-CM2) au sein d’une école classée REP+. La responsabilité d’une classe, la planification d’une journée complète, la communication au sein d’une équipe, avec les parents, la gestion du temps entre midi et deux, la différenciation dans les apprentissages, l’évaluation, difficile de mettre tout ça en œuvre avant d’avoir notre propre classe.
Pas de recette miracle, le métier d’enseignant s’apprend en essayant
Avant les vacances, nous avons fait l’exercice de l’attentat-intrusion. La directrice déclenche l’alarme. Les élèves se cachent. Pas un bruit. Silence total. Je ferme les volets, la porte à clé, j’éteins les lumières et me cache aussi. Ça a été l’occasion d’expliquer aux élèves pourquoi il est important de prendre au sérieux cet exercice, et de les mettre en condition. Peut-être est-il possible de faire un lien avec l’attentat qui vient de viser un professeur? En mettant en place le dispositif du bâton de parole par exemple. Je me souviens que les élèves ont été très impliqués lors de cet exercice, l’alarme stridente les a marqués. Il me reste encore quelques jours de vacances pour poursuivre ma réflexion, sans oublier que la cohésion d’équipe est très importante dans ces moments-là.
Être professeur des écoles, c’est aussi savoir s’adapter. La crise sanitaire a mis en avant cette capacité des enseignants à rebondir, à communiquer. Je vais donc faire de mon mieux pour être à l’écoute de mes élèves et répondre à leurs questionnements. Leur donner envie d’aller à l’école est très important pour moi, je souhaite leur faire comprendre que l’école est un lieu où l’on s’enrichit mutuellement.
Ce billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concernent.
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