Je voudrais retrouver le plaisir de mon métier et l’insouciance de mes petits élèves – BLOG
Nous, enseignants, ASEM, AESH… mais surtout les enfants. Ma pratique du métier a été bouleversée par la pandémie.
D’abord un confinement long… Des activités envoyées à distance, une relation numérique avec mes petits élèves… Et puis une reprise en touts petits groupes d’enfants, avec un protocole strict, une distanciation inhumaine, une interdiction de jouer ensemble, la désinfection de chaque jouet touché…
Tout réajuster en permanence
Alors on a essayé comme d’habitude de passer au-dessus du stress, d’expliquer les mesures barrière aux enfants en souriant, de les danser, de les chanter. Parce qu’on pensait comme tout le monde que ça allait bien finir par passer… D’ailleurs, on avait promis aux enfants que ça se terminerait un jour.
Publicité
Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
Alors on a continué de mener nos projets, tout en aérant les classes, on a préparé des activités pour les éveiller tout en leur lavant les mains très régulièrement. On a continué à sourire sous nos masques, à mettre de l’énergie dans le quotidien de nos classes. Certains collègues n’y sont pas arrivés. Certains ont abandonné. Parce que c’est dur de tenir ce rôle. Faire semblant que tout va bien pour eux. Faire de l’école un lieu où les enfants se sentent bien et grandissent en toute sérénité.
On a remplacé les collègues malades, aidé à la cantine, géré des groupes importants… parce que les adultes de l’école sont aussi évidemment touchés…
Oui, mais on a voulu maintenir les classes ouvertes coûte que coûte, quel qu’en soit le prix… et celui-ci est à mon avis bien négligé (et très mal estimé).
Publicité
Depuis la rentrée de janvier, les enseignants se retrouvent à bord du paquebot Covid, embarqués bien malgré eux dans ce voyage où tout est incertain. Placés en première ligne face à l’épidémie, mais théoriquement, je dis bien THÉORIQUEMENT protégés par des protocoles toujours plus enfermants.
«J’ai pleuré dans ma classe vide.»
Il n’en est rien. Les protocoles sont inapplicables. Ils n’empêchent pas les enseignants ni les personnels de tomber malades. Je ne te parle même pas des petits. Les cas parmi les enfants se multiplient à une vitesse vertigineuse. Malgré les lavages de mains, les aérations, ma classe de maternelle a fermé une semaine avec plus de la moitié de mes petits élèves contaminés en seulement cinq jours.
J’ai eu envie de pleurer… non j’ai pleuré
J’ai pleuré devant l’angoisse de mes petits élèves qui montraient des symptômes et dont j’appelais les parents.
J’ai pleuré devant la peur de ceux qui restaient, se demandant qui serait le prochain cas déclaré.
J’ai pleuré dans ma classe vide.
Ces enfants, ils ont 3, 4ans. À la maison, on leur dit de faire attention. Parce que non il ne faut pas rapporter le virus à la maison, parce que Papa et Maman doivent aller bosser. Et puis faudrait pas le refiler à Mamie. Parce qu’on ne sait jamais ce qui pourrait lui arriver. Ces petits bouts, ils n’ont que 3, 4 ans, et on leur fait porter sur leur petit dos la pire des responsabilités, la santé de leur famille.
«Ces petits bouts, ils n’ont que 3, 4 ans, et on leur fait porter sur leur petit dos la pire des responsabilités, la santé de leur famille.»
Et pour cela, dès qu’un cas se déclare, on leur fait subir les fameux tests. Certains sont terrorisés, les autres s’habituent plus ou moins. Et on attend le résultat avec appréhension parce que tu sais maîtresse, si les deux barres s’affichent, bah…t’es positif. Et tu sais que ca va être la galère!
Je n’ai pas peur des mots, je pense à ces petits bouts que l’on sacrifie pour notre économie. Qui a pensé à eux? A ce qu’ils ressentent? A ce qu’ils subissent? Qui a pensé qu’ils angoissent, culpabilisent à chaque résultat de test?
Publicité
Je ne me plains pas. Je comprends bien qu’il faut s’adapter. Et puis d’ailleurs, j’ai fait mon boulot, comme d’habitude depuis les début de la crise. Je ne repousserai jamais un enfant qui a de la fièvre ou qui tousse. Même au coeur du cluster qu’est devenue ma classe, j’ai continué à moucher, câliner, rassurer. Parce que ça fait partie de mon job, et de ma personnalité. Ce mois de janvier a été interminable et de loin le plus difficile depuis le début de la pandémie.
Je voudrais juste qu’on s’intéresse un peu à eux
Qu’on leur dise qu’on pense à eux bien fort et qu’on est là.
Que leurs parents prennent soin d’eux.
Qu’ils soient considérées comme de “vraies” petites personnes, et non comme une quantité négligeable.
Parce qu’il en ont besoin
Parce qu’ils méritent de voir plus de sourires que de masques.
Parce qu’ils doivent avoir plus de rêves que de cauchemars.
Publicité
Parce que ce sont les adultes de demain qui se construisent.
Parce qu’on doit les accompagner pour qu’ils apprennent et grandissent sereinement.
Dans l’état actuel des choses, ce n’est juste pas possible
Désolée pour ce grand pavé qui vient après des semaines difficiles. Merci à ceux qui ont lu jusqu’au bout. Désolée pour ceux que ce billet dérangera. Il s’agit de mon ressenti, et d’une grosse colère envers ceux qui décident dans leur bureau parisien sans rien connaître du terrain. Je serais peut être cataloguée comme une prof qui râle…mais si tu as un enfant en maternelle ou primaire, je t’encourage juste à prendre soin de lui, à être à l’écoute.
Je termine cet article après avoir mené une discussion avec mes élèves. Leurs propos sont intenses, poignants, vrais et d’une incroyable maturité. J’ai été très touchée par leurs mots.
Ce témoignage, initialement publié sur le blog Maman puissance 4, a été reproduit sur Le HuffPost avec l’accord de son autrice.
________
À voir également sur Le HuffPost: Grève du 13 janvier: Ces profs en colère ont manifesté pour la première fois
Laisser un commentaire