Je ne sais pas combien de temps je suis restée en position fœtale jusqu’à ce que le téléphone finisse par sonner. Je préfère ne pas décrocher, j’ai ôté le costume. Dans mon sas, j’ai troqué mon sourire contre des larmes amères. Emportée par la mélancolie, je m’interroge sur le sens de mon existence, je fustige l’incohérence et la violence de ce monde dont je vois toute la misère se déverser sur mes écrans. L’autre, c’est toujours sa faute, avant que je ne supplie le ciel qu’il me comprenne, qu’il excuse ma distance, mon retrait. Je préfèrerais les admonestations de mon interlocuteur plutôt que de lui dire mon mal-être. Pour qu’il saisisse le mal qui s’est emparé de moi, j’aimerais qu’il comprenne le processus qui est l’œuvre.
Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
La dépression, c’est le signal du changement de mes paradigmes existentiels
Cependant, je ne sais pas par quelles circonstances arrive le vent de renouveau dans ma vie. Certains disent que c’est le temps, d’autres encore que c’est notre élan vital qui dégèle. À titre personnel, je n’ai pas la réponse, mais je suis partisane de la deuxième option, car c’est sous la douce lumière de ces matins de printemps que je réapprends à m’émerveiller de la poésie du quotidien, comme un moment entre amies par exemple. En fait, j’ai noté que j’ai été en dépression à chaque grand carrefour de ma vie, c’est-à-dire, lorsque je devais faire et assumer mes choix.
Publicité
Lors de mes dépressions, ma vérité est confrontée aux regards des autres…
«Ma confrontation à l’avis général me pousse à la dépression, mais justement j’ai besoin du regard des autres pour m’en sortir, de leur avis.»
Je comprends ce qui fonctionne ou pas, chez moi, dans mon propos, dans mes pensées, etc. J’apprends. Entendons-nous bien, je ne fais pas l’éloge de la dépression, je constate simplement que pour moi, d’une dépression a toujours résulté l’intégration des autres dans ma matrice intérieure. Pourtant, cette même personne ne saura rien de mon mal que j’aurais soigneusement caché.
… Ainsi, mes dépressions m’ont permis d’intégrer ce qu’avaient à me dire les autres
Depuis un évènement marquant, ma vision du monde a changé. Étrangement, le pragmatisme d’antan a laissé place à l’envie de réalisation personnelle… “On ne vit qu’une fois”. Si telle a été la grande leçon de cette expérience, autant te dire que j’ai malgré tout fait quelques dépressions, car mon élan vital, c’est-dire mon lien aux autres, m’a poussé hors de ma petite personne, à me confronter à l’extérieur. Par exemple, je repense à une recherche de travail d’appoint lorsque je vivais à Londres, ville attractive à l’époque. Je me présente ainsi dans une petite échoppe pour demander s’ils recherchaient du personnel. L’homme en face de moi me dévisage, puis lit mon CV avant de me répondre surpris, qu’il ne pensait pas que j’allais m’adapter au poste. C’était la énième tentative, la goutte de trop. Je me disais qu’il n’y avait que moi pour vivre ce genre d’expériences. Rajouté au reste, j’ai plongé dans la dépression et je suis partie de la ville peu de temps après. Si j’ai vécu des expériences similaires récemment, je me dis maintenant que le regard des autres m’aide à trouver ma place en fonction des sentiers que j’ai empruntés. Personnellement, mon accomplissement passe par l’assouvissement de ma curiosité, en conséquence mon CV en devient illisible, même pour un travail d’appoint. Je me dis que quitte à faire les choses qui m’attirent, autant aller jusqu’au bout désormais, je n’ai plus peur de me mouiller, je n’ai plus rien à y perdre. La douleur a mis à jour mes forces.
… Être hyper positive tout le temps me semble impossible
Et si nous nous regardions dans les yeux?
Quant à moi, bien qu’elle me concerne, je reconnais mes antagonismes. Elle peut porter les noms pudiquement élégants de burn out ou de “mauvaise passe”, c’est le signe que nous restons aveugles et sourds aux maux de nos prochains. Nous ne voulons ni la voir, ni l’entendre, elle nous fait fuir, voire nous angoisse, car elle pourrait nous atteindre. Ne nous conseillons-nous pas de fuir les personnes négatives, ou dégageant de mauvaises ondes? Eh oui, elles risqueraient de nous faire prendre conscience de son existence, de l’entièreté de sa personne, avec ses zones d’ombres. Pourtant, bien qu’elle soit intime, derrière la dépression, il y a une personne qui demande à s’en sortir et qui a/fait preuve d’un remarquable sens de la résilience. Alors, je te dis à toi ce que j’aurais aimé entendre, peut-être que la dépression ou le mal-être te guettent: prends le temps pour toi, nous ferons tout pour sortir de cette impasse après.
À voir également sur Le HuffPost: Contre la dépression, une clinique canadienne propose des “thérapies psychédéliques”
En savoir plus sur L'ABESTIT
Subscribe to get the latest posts sent to your email.