SANTÉ MENTALE – Dehors, le vent qui gronde bat les branches du cerisier. Le tambourinement des trombes de pluies qui se déversent sur la vitre met mes nerfs à rude épreuve. Cependant, prise d’une mystérieuse attraction, appelée par l’apathie, je m’installe sur le sofa qui donne sur la baie vitrée. Éreintée par le spectacle de cet hiver sans fin, je m’allonge afin de contempler cette nature déchaînée, pour ressasser et ne penser qu’à moi!

Je ne sais pas combien de temps je suis restée en position fœtale jusqu’à ce que le téléphone finisse par sonner. Je préfère ne pas décrocher, j’ai ôté le costume. Dans mon sas, j’ai troqué mon sourire contre des larmes amères. Emportée par la mélancolie, je m’interroge sur le sens de mon existence, je fustige l’incohérence et la violence de ce monde dont je vois toute la misère se déverser sur mes écrans. L’autre, c’est toujours sa faute, avant que je ne supplie le ciel qu’il me comprenne, qu’il excuse ma distance, mon retrait. Je préfèrerais les admonestations de mon interlocuteur plutôt que de lui dire mon mal-être. Pour qu’il saisisse le mal qui s’est emparé de moi, j’aimerais qu’il comprenne le processus qui est l’œuvre.

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La dépression, c’est le signal du changement de mes paradigmes existentiels

On ne va pas se mentir, je sors d’une petite phase de dépression. La dépression me fait l’effet de manger des aliments sans saveur, ou bien d’anesthésier mes papilles par le sucre. Mes émotions forment une voute sombre au-dessus de ma tête sans que je connaisse la cause de ce mal. Comme un phénomène météorologique j’attends qu’une masse d’air frais déplace les nuages.

Cependant, je ne sais pas par quelles circonstances arrive le vent de renouveau dans ma vie. Certains disent que c’est le temps, d’autres encore que c’est notre élan vital qui dégèle. À titre personnel, je n’ai pas la réponse, mais je suis partisane de la deuxième option, car c’est sous la douce lumière de ces matins de printemps que je réapprends à m’émerveiller de la poésie du quotidien, comme un moment entre amies par exemple. En fait, j’ai noté que j’ai été en dépression à chaque grand carrefour de ma vie, c’est-à-dire, lorsque je devais faire et assumer mes choix.

Lors de mes dépressions, ma vérité est confrontée aux regards des autres…

Pour moi faire des choix, c’est assumer ma vision, porter mes valeurs bref, si c’est se confronter au regard de l’autre, c’est aussi accepter de me tromper pour prendre en compte ces avis divergent dans mon équation de vie. Aussi, à défaut d’être optimiste, je suis une grande idéaliste dont les ardeurs ont été refroidies par ma confrontation au monde, à l’autre, et à nos différences de points de vue. Par exemple, je monte des projets, je les teste, puis je connais des revers, tout est à refaire. Cependant, un phénomène étrange se produit… Chaque camouflet social que je reçois affine ma vision des choses.

«Ma confrontation à l’avis général me pousse à la dépression, mais justement j’ai besoin du regard des autres pour m’en sortir, de leur avis.»

Je comprends ce qui fonctionne ou pas, chez moi, dans mon propos, dans mes pensées, etc. J’apprends. Entendons-nous bien, je ne fais pas l’éloge de la dépression, je constate simplement que pour moi, d’une dépression a toujours résulté l’intégration des autres dans ma matrice intérieure. Pourtant, cette même personne ne saura rien de mon mal que j’aurais soigneusement caché.

… Ainsi, mes dépressions m’ont permis d’intégrer ce qu’avaient à me dire les autres

Depuis un évènement marquant, ma vision du monde a changé. Étrangement, le pragmatisme d’antan a laissé place à l’envie de réalisation personnelle… “On ne vit qu’une fois”. Si telle a été la grande leçon de cette expérience, autant te dire que j’ai malgré tout fait quelques dépressions, car mon élan vital, c’est-dire mon lien aux autres, m’a poussé hors de ma petite personne, à me confronter à l’extérieur. Par exemple, je repense à une recherche de travail d’appoint lorsque je vivais à Londres, ville attractive à l’époque. Je me présente ainsi dans une petite échoppe pour demander s’ils recherchaient du personnel. L’homme en face de moi me dévisage, puis lit mon CV avant de me répondre surpris, qu’il ne pensait pas que j’allais m’adapter au poste. C’était la énième tentative, la goutte de trop. Je me disais qu’il n’y avait que moi pour vivre ce genre d’expériences. Rajouté au reste, j’ai plongé dans la dépression et je suis partie de la ville peu de temps après. Si j’ai vécu des expériences similaires récemment, je me dis maintenant que le regard des autres m’aide à trouver ma place en fonction des sentiers que j’ai empruntés. Personnellement, mon accomplissement passe par l’assouvissement de ma curiosité, en conséquence mon CV en devient illisible, même pour un travail d’appoint. Je me dis que quitte à faire les choses qui m’attirent, autant aller jusqu’au bout désormais, je n’ai plus peur de me mouiller, je n’ai plus rien à y perdre. La douleur a mis à jour mes forces.

… Être hyper positive tout le temps me semble impossible

J’ai longtemps cherché la réponse à mon mal-être dans des livres, dans des vlogs peut-être peu adaptés au mal qui me frappait. Bref, en recherche de la recette miracle, je me renfermais sur moi-même. Comme par automédication, je cherchais moi-même une solution miracle à mes maux sans trouver la recette du bonheur, ou du moins de ma réalisation personnelle. Je me sentais appelée à un optimisme méthodique, parce que le bonheur ça se prépare. J’en ai longtemps voulu à cette littérature avant de me faire à l’idée qu’elle avait pétrie mon imaginaire. Cependant, ce que l’on ne nous dit pas dans ces ouvrages, c’est que pour atteindre ses objectifs de vie, il faut se confronter au regard de l’autre, accepter de faire sienne la critique positivement négative. Ainsi, ce que l’on ne nous dit pas, c’est que pour tendre vers l’apaisement (ou le bonheur), il faut se lancer dans le grand bain de la désillusion, composer avec le champ des possibles à un instant donné.

Et si nous nous regardions dans les yeux?

La dépression est donc pour moi un point de rupture entre mes attentes, mes objectifs, et, le regard de l’autre. C’est un temps d’arrêt durant lequel je constate que je ne trouve pas ma place et essaie de faire miennes les remarques ou la difficulté d’une situation. Cependant, pour certains, les problèmes peuvent sembler insolubles… La dépression est une cécité sociétale parce que le mutisme l’entoure. Je ne compte pas le nombre de collègues ou de proches qui se sont fait arrêtés parce qu’ils arrivaient à ce point de rupture. Or, appelés vers plus de liberté et de bonheur, notre grille de lecture du monde est brouillée. Ma confrontation à l’avis général me pousse à la dépression, mais justement j’ai besoin du regard des autres pour m’en sortir, de leur avis.

Quant à moi, bien qu’elle me concerne, je reconnais mes antagonismes. Elle peut porter les noms pudiquement élégants de burn out ou de “mauvaise passe”, c’est le signe que nous restons aveugles et sourds aux maux de nos prochains. Nous ne voulons ni la voir, ni l’entendre, elle nous fait fuir, voire nous angoisse, car elle pourrait nous atteindre. Ne nous conseillons-nous pas de fuir les personnes négatives, ou dégageant de mauvaises ondes? Eh oui, elles risqueraient de nous faire prendre conscience de son existence, de l’entièreté de sa personne, avec ses zones d’ombres. Pourtant, bien qu’elle soit intime, derrière la dépression, il y a une personne qui demande à s’en sortir et qui a/fait preuve d’un remarquable sens de la résilience. Alors, je te dis à toi ce que j’aurais aimé entendre, peut-être que la dépression ou le mal-être te guettent: prends le temps pour toi, nous ferons tout pour sortir de cette impasse après.

À voir également sur Le HuffPost: Contre la dépression, une clinique canadienne propose des “thérapies psychédéliques”

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