« La Haine » : 25 ans après, Mathieu Kassovitz raconte
« La Haine » est sorti il y a 25 ans : Mathieu Kassovitz raconte
« Il y aura toujours des bavures policières et on est le film qui a représenté ce problème-là, qui est un des problèmes majeurs de notre société », estime le réalisateur.
En 1995, Mathieu Kassovitz réalisait La Haine, avec Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui et Vincent Cassel. Pour la première fois en France, un film mettait en scène des violences policières. Pour Brut, le cinéaste revient sur cette œuvre majeure.
« Les jeunes de 17 ans ont le même problème que leurs parents à 17 ans »
J’aurais adoré que le film règle tous les problèmes et qu’aujourd’hui, il n’y ait plus de bavures policières et que plus personne ne se souvienne de La Haine. Ça aurait été vraiment le but. Malheureusement, la société ne fonctionne pas comme ça. Il y aura toujours des bavures policières et on est le film qui a représenté ce problème-là, qui est un des problèmes majeurs de notre société. Si on n’a pas de problèmes avec la police, si on n’a pas de problèmes, nous, en tant que citoyen, avec le gouvernement qui est représenté par la police, la vie change. La vie change.
On a tapé là-dedans et tous les jeunes aujourd’hui de 17 ans ont le même problème que leurs parents à 17 ans, il y a 25 ans. Donc les parents montrent le film aux enfants et les enfants, ils le chopent d’une manière tout à fait naturelle, parce qu’ils n’arrivent pas à déterminer dans quelle époque il a été, et le sujet est toujours là.
« Tout le monde disait ‘’les banlieusards’’, ‘’les kaïras’’, ‘’les racailles’’ » »
Aujourd’hui, tu peux refaire La Haine, mais je ne pense pas qu’il aurait le même impact qu’à l’époque. Tu vas sur Instagram et tu auras toutes les brutalités policières que tu peux avoir avec les commentaires qui vont avec et l’explication de texte qui va avec. Tu n’as plus besoin d’un film pour te rendre compte de ce que ça peut être. Tu peux te faire ta propre approche du sujet. À l’époque, tu ne pouvais pas. Donc le cinéma servait à ça.
À l’époque, il y avait six chaînes de télé, il y avait cinq quotidiens, il n’y avait pas grand-chose pour avoir des informations. Tout le monde disait « les banlieusards », « les kaïras », « les racailles », la violence, la drogue. Personne ne disait : « Ils sont drôles, ils sont intelligents, ils ont du talent. »
Les films ne changent pas… Les films changent les mentalités des gens petit à petit. Génération après génération. Si l’œuvre est assez importante, les gens vont la voir avec le temps, et ça va imprimer quelque chose dans leur cortex. Ils vont éduquer leurs enfants d’une manière différente. C’est un travail de longue haleine, ce n’est pas un truc qui se change instantanément.
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