L’ARMÉE DES OMBRES
Écrit et réalisé par Jean-Pierre MELVILLE – France 1969 2h24mn – avec Lino Ventura, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, Simone Signoret, Paul Crauchet, Christian Barbier, Claude Mann, Serge Reggiani, Alain Libolt… D’après le roman de Joseph Kessel. COPIE NUMÉRIQUE – VERSION RESTAURÉE.
Du 12/06/24 au 02/07/24
Octobre 1942. Philippe Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées, est un résistant de la première heure. Dénoncé, il se retrouve enfermé dans un camp français. Il parvient à prendre la fuite durant son transfert au siège de la Gestapo à Paris et s’empresse de rejoindre les membres de son réseau à Marseille. Avec deux camarades, Félix et « Le Masque », Gerbier est chargé d’exécuter le jeune Dounat, responsable de son arrestation. Parallèlement, Jean-François, un ami de régiment, entre dans la Résistance. Chargé pour sa première mission de livrer un poste émetteur à une certaine Mathilde, il en profite pour aller rendre visite à son demi-frère, Luc Jardie, un grand bourgeois qui se tient à l’écart des événements…
On serait tenté de qualifier ce film de chef-d’œuvre, si cette notion galvaudée ne renvoyait pas aussi souvent à l’art officiel. Officiel, le film se refuse à l’être, malgré son poids historique. Ancien résistant gaulliste, Melville l’a porté en lui vingt-cinq ans durant et n’a pu le réaliser qu’à la fin de sa carrière. C’est un regard démystifiant et grave à la fois qu’il porte sur la Résistance et ses hommes de l’ombre. Il montre un quotidien soumis à une tension permanente, où chacun doit se cacher, attendre, guetter, fuir et parler le moins possible. Cette forme extrême d’engagement tend au cauchemar dépouillé. Elle exige de se salir les mains (l’exécution des traîtres) et surtout de se battre avec soi-même, ses doutes, sa lâcheté et sa peur.
Filmant ces combattants clandestins comme des fantômes, des morts en sursis, Melville loue leur courage et leur abnégation sans céder à l’imagerie héroïque. L’Armée des ombres est une épure funèbre et hypnotique dans laquelle les hommes et les femmes, bien que liés par des convictions très fortes, sont immanquablement seuls. Au bout du compte, c’est par le biais de cette solitude mélancolique que ces silhouettes souveraines rejoignent le mythe.
(J. Morice, Télérama)
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