Namibie : ils se battent pour sauver les guépards
En Namibie, le guépard menacé par les fermiers
Brut vous emmène dans les plaines de Namibie, en Afrique australe, où vit la plus grande population de guépards au monde.
Le guépard est l’animal terrestre le plus rapide de la planète. Il peut faire des pointes jusqu’à 110 km/h pour attraper ses proies. C’est aussi l’un des animaux les plus emblématiques du continent africain. « Tout ce que j’ai appris sur les guépards est fascinant, se réjouit Laurie Marker, fondatrice du Cheetah Conservation Fund. Leurs longues pattes, leur magnifique corps élancé et leur queue qui guide et maintient leur équilibre… Ils sont très élégants. Leurs yeux transpercent votre âme. »
Moins de 7.500 guépards dans le monde
Mais aujourd’hui, les guépards sont une espèce dite vulnérable, c’est-à-dire confrontée à un risque élevé de disparition à l’état sauvage. Au début du XXe siècle, on comptait environ 100.000 guépards. À l’heure actuelle toutefois, il en reste moins de 7.500 dans le monde, dont environ 1.500 en Namibie et au Botswana. Près de 50 % de la population mondiale vit dans ces deux pays africains. Les défenseurs de l’animal ont du mal à le protéger en Namibie, parce qu’il s’attaque aux troupeaux de chèvres et de moutons des fermiers, qui n’hésitent pas à les tuer. « Je n’en ai pas encore rencontrés, mais je les tuerai sûrement si j’en ai la chance », confirme Theuns Coetzee, un éleveur d’ovins.
En Namibie, la loi autorise les fermiers à tuer les guépards qui constituent une menace pour leur vie ou celles de leur troupeau. Car les attaques de guépards ont un impact économique réel sur les fermiers. Pour beaucoup, la seule solution est de les capturer avec des cages ou de les tuer. « Ils peuvent tuer 38 moutons en une seule nuit. Ils attrapent un mouton, puis un autre, puis un autre, et ils ne mangent que le dernier. Si un guépard attrape un ou deux moutons, ce n’est pas une grosse perte. Ils doivent bien manger. Mais si tu perds 30, 50 moutons à cause d’une famille de guépards, c’est une énorme perte, ça correspond à 60.000, 70.000 dollars », développe Malcolm Campbell, éleveur d’ovins.
Un programme de chiens de berger
Sur place, certaines personnes tentent de leur côté de protéger l’animal. C’est le cas de Laurie Marker, fervente défenseure du félin, qui lutte pour faire coexister les guépards avec les fermiers depuis près de 30 ans. « La plupart des guépards se trouvent en dehors des zones protégées, c’est pour cette raison qu’on doit travailler avec les fermiers. Très vite, on a commencé un programme de chiens de bergers. On l’a démarré en 1994. Là d’où je viens, en Oregon, il y avait beaucoup de problèmes entre les coyotes et les fermiers. Les chiens de troupeau, comme les bergers d’Anatolie et les Kangals, protègent le bétail des prédateurs depuis 5.000 ans. C’est pour ça qu’on s’est dit qu’un chien de garde élevé et éduqué à protéger les troupeaux était quelque chose d’intéressant à essayer. »
C’est à partir de ce moment-là que Laurie a commencé à implanter des chiens de berger en Namibie. En 25 ans, plus de 650 chiens ont été élevés et placés dans des fermes en Namibie, au Botswana, en Tanzanie et en Afrique du Sud. « Ces chiens, c’est leur instinct naturel. Ils se lient à quelque chose et apprennent à la protéger. Ils vont se mettre entre le bétail et les prédateurs. Ils se tiennent debout et aboient très fort. Ça, c’est la première étape. Si le prédateur continue d’attaquer le troupeau, ils vont le poursuivre », explique une dresseuse.
Perdre une bête peut coûter jusqu’à 1.200 dollars
Si certains fermiers affirment qu’un chien de berger revient trop cher, d’autres rétorquent que le coût d’un chien est beaucoup moins élevé que la perte d’un seul mouton. Perdre une bête peut en effet leur coûter jusqu’à 1.200 dollars. Pour Mbeu Harakuta, éleveur ovin, l’introduction des chiens de berger a été un succès. « Toute ma famille faisait de l’élevage. Je fais partie d’une des tribus connues pour faire de l’élevage, raconte Mbeu. C’est la tribu des Héréros. Avant, quand je croisais un prédateur, c’était un danger pour ma vie et pour le bétail. Je pense que c’est parce que je ne savais pas comment me comporter. Normalement, n’importe qui se dirait qu’il faut s’en débarrasser soit en le tuant d’une balle, soit en le pourchassant avec des chiens et des lances. Depuis que j’ai appris qu’il existe d’autres méthodes pour éloigner les prédateurs, comme introduire un chien dans le troupeau, je n’ai subi aucune perte. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’on pouvait tous cohabiter, prédateurs, bétail et fermiers. »
Aujourd’hui, la survie des guépards en Namibie dépend des fermiers, car le félin vit à 91 % sur leurs terres. Laurie Marker est persuadée qu’une coopération est possible : « Quand vous faites comprendre aux fermiers qu’ils ont un rôle à jouer, leur comportement change peu à peu. Ils se rendent compte qu’ils peuvent modifier leurs méthodes d’élevage. Peut-être que les gens dans le monde devraient aussi comprendre que les fermiers font partie de nos meilleurs conservationnistes, mais qu’ils ont besoin d’être accompagnés. » Pour protéger le guépard, il y a urgence. En seulement un siècle, plus de 90 % de la population de l’animal a disparu.
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