Nitrites dans le jambon: pourquoi leur abandon est si compliqué
Portée par le député MoDem du Loiret Richard Ramos, cette proposition de loi “doit servir à protéger les citoyens”, estime-t-il. Pour autant, le projet, qui était initialement attendu courant 2021, a été repoussé. Et le sort qui lui est réservé est incertain. Le gouvernement dit vouloir “attendre le retour” de l’agence sanitaire Anses “avant de se prononcer sur les décisions à mettre en œuvre”, rapporte le ministère de l’Agriculture auprès de l’AFP. “Les analyses ‘risques/bénéfices’ doivent être établies par les experts”, ajoute le ministère, qui “s’engage à suivre l’avis” de l’Anses.
Depuis la sortie, en 2015, d’une étude du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), on sait qu’une consommation supérieure à 50 grammes par jour de jambon augmente le risque de cancer de 18%. En cause, notamment, les sels nitrités. La viande transformée, et particulièrement la charcuterie, était classée comme cancérogène. Les nitrites ingérés étaient quant à eux considérés comme des cancérogènes probables.
ONG contre industriels
En octobre 2020, les professionnels de la charcuterie répliquent et demandent la mise en demeure de Yuka. En mai 2021, la justice donne raison aux charcutiers et condament Yuka pour “pratique commerciale déloyale et trompeuse” et pour “des actes de dénigrement au préjudice” de la Fédération des Entreprises Françaises de Charcuterie Traiteur (FICT).
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Risques pour la santé
Dans une interview accordée au HuffPost, Guillaume Coudray, auteur du livre-enquête Cochonneries, explique en effet que le nitrite n’est pas directement le problème. C’est l’effet qu’il produit sur la viande. “Le nitrate et le nitrite se décomposent. Ils vont se fixer sur des molécules de la chair et en particulier sur ce qu’on appelle l’hème. Quand le nitrate et le nitrite se décomposent dans la viande ils vont donner naissance à trois types de molécules, les nitrosamines, les nitrosamides et le fer nitrozymé. Ce sont ces molécules qui posent problème.”
Il ne s’agit pas non plus d’un problème de quantité de nitrites. “Ce qui compte ce n’est pas la quantité de nitrites qui reste à la fin, c’est qu’il y en ait”, ajoute-t-il.
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Conservation et couleur rose
Mais cet argument est loin de convaincre tout le monde. “On ne peut pas balayer d’un revers de la main le risque microbiologique mais les progrès sanitaires, le contrôle de la qualité des matières premières et de la chaîne du froid permettent de penser que le retrait des nitrites ne va pas faire exploser le botulisme en France”, déclare à l’AFP Fabrice Pierre, directeur de recherche à l’institut de recherche Inrae, spécialiste de la relation entre alimentation et cancer.
Ce risque est aujourd’hui “quasiment inexistant”, à l’inverse de celui de développer un cancer du côlon imputable à la consommation de charcuteries, estimé à près de 4000 cas par an en France, souligne le toxicologue, qui rappelle que 63% des Français dépasseraient les niveaux de consommation recommandés (pas plus de 150 grammes par semaine).
Les nitrites permettent aussi au jambon d’avoir une couleur rose, alors qu’il serait naturellement gris, donc moins appétissant.
Des alternatives existent
Pour toutes ces raisons, la confrontation entre les deux clans est rude. Richard Damos évoque par ailleurs des “pressions” ainsi qu’une “question de fric”. “On nous raconte des histoires. Pour eux (les industriels), ce n’est pas une question de santé publique, c’est une question de fric, dit Richard Ramos. Des centaines de milliers de tranches de jambon sans nitrites sont consommées chaque jour, sans aucun problème.”
Bouillons de légumes ou encore cinq épices (clou de girofle, cumin, cannelle, curcuma, gingembre, romain) auraient en effet les mêmes vertus antioxydantes et antimicrobiennes que celles des nitrites.
Après la discussion en commission des Affaires économiques, le texte sera étudié en séance publique le 3 février prochain.
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