Pour qui votera Omicron ?
Habituellement, dans une situation « normale », chacun essaie de prévoir le résultat d’une élection en analysant les sondages d’opinion, puisque ce sont les électeurs qui font l’élection. Dans une situation normale, les candidats essaient de construire des offres politiques susceptibles de rallier des électorats et ils s’interdisent de dire tout et le contraire.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour observer que nous ne sommes pas dans une situation normale. Aujourd’hui, les absentéistes et les indécis sont extrêmement nombreux et bien des candidats proposent tout et son contraire : ils veulent réduire les impôts et les droits de succession pour mieux lutter contre les inégalités, ils sont contre l’Europe mais veulent plus de fonds européens, ils veulent une France solidaire grâce au sacrifice des boucs émissaires que sont les « assistés » et les immigrés, ils veulent plus d’écologie sans éoliennes et sans rien sacrifier de notre mode vie, ils sont provax ici et antivax ailleurs…
Bref, tout se passe comme si l’offre politique n’était soumise à aucun impératif de responsabilité.
Le pari d’Emmanuel Macron
Peut-être que cette situation n’est pas aussi absurde que nous pourrions le croire dans la mesure où il est probable que l’électeur décisif sera Omicron lui-même. Soit la vague épidémique déclinera dans quelques semaines et les nouveaux variants du virus se révéleront plus contagieux, mais de moins en moins dangereux. Dans ce cas, les « emmerdements » imposés aux Français apparaîtront comme une politique relativement sage, combinant plus ou moins bien les impératifs sanitaires et les exigences économiques. Emmanuel Macron a parié sur un virus plutôt sympathique et, dans quelques semaines, nous devrions savoir si le virus a voté pour lui.
Autre possibilité : la vague ne régressera pas rapidement et les enfants d’Omicron se révéleront toujours aussi dangereux. Alors tous les emmerdements et tous les sacrifices auront été vains, les sentiments de défiance et d’impuissance politique se développeront plus encore, et celles et ceux qui veulent plus de sécurité et moins de contrainte, plus de services publics et moins d’impôts, plus de liberté et plus d’autorité, auront toutes les chances de l’emporter. Tout ça pour ça, diront-ils, et le virus aura voté contre Macron. On ne sait pas qui gagnera, mais on sait qui perdra.
Il est probable que ce que diront les chercheurs dans quelques semaines pèsera plus sur l’élection présidentielle que ce que proposent les candidates et les candidats
Dans quelques semaines, nous devrions connaître le vote d’Omicron, et tout le pari du chef de l’Etat repose sur le fait qu’il votera en sa faveur. N’imaginons pas que ses adversaires parient sur le scénario sanitaire le plus sombre, mais il est clair que ce sont les statistiques de la pandémie et les anticipations relatives aux mutations du virus qui feront l’élection. Il est probable que ce que diront les chercheurs dans quelques semaines pèsera plus sur la présidentielle que ce que proposent les candidates et les candidats.
Depuis quelques décennies déjà, des écologistes, des philosophes et bien des scientifiques expliquent que ce que nous appelons la nature est un acteur social. Le clivage moderne entre la nature et la culture ne tient plus vraiment. Dépourvue d’intentions et de morale, la nature agit et réagit, et nous participons d’une nature que nous pensions extérieure et maîtrisable mais qui ne l’est pas.
Longtemps soumise à la volonté des hommes, la nature se « venge » et nous menace avec le réchauffement climatique, la disparition des espèces et d’autres risques pires encore. C’est déjà beaucoup. Mais nous n’avions jamais imaginé que la nature, ici un virus, décide du sort d’une élection. C’est Omicron qui dira si le Président mérite d’être reconduit ou si tous les sacrifices plus ou moins bien consentis n’avaient aucun sens.
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