« Pour une jeune femme de 33 ans, faire un AVC était impensable. Pourtant, c’est mon histoire » – BLOG
Quelques heures plus tard, le lendemain matin, mon existence allait radicalement changer du tout au tout, car aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai eu un AVC à 33 ans.
Je m’appelle Margot Turcat, je suis professeur d’arts plastiques en collège, maman d’un bébé de quatorze mois, en couple depuis plusieurs années et le 17 novembre je tombe brutalement dans le monde du handicap.
Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
Du simple malaise à l’AVC
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Je prends mon petit déjeuner avec ma famille, mais cela ne passe pas donc je décide d’aller me recoucher le temps que mon compagnon se prépare pour aller travailler. Vingt minutes plus tard, ce malaise ne se dissipe pas et pire, il s’aggrave, mais pour ne pas affoler mon compagnon, je décide de prendre sur moi. Je sens petit à petit que je deviens incohérente et que je perds la faculté à m’exprimer.
Mon compagnon part travailler et je me retrouve seule à la maison avec mon fils. Le temps passe et je commence à réaliser, un quart d’heure après son départ, qu’il va falloir que j’appelle les secours, mais mon instinct maternel me pousse à gérer en priorité la garde de mon bébé avant de penser à moi. J’appelle avec difficulté au travail de mon compagnon afin qu’il rentre à la maison, puis mes parents. Mon père comprend immédiatement en m’entendant parler ce que moi je commençais à envisager: je suis entrain de vivre un AVC.
«Tout ce temps perdu m’a fait perdre des millions de neurones et a entrainé des séquelles qui sont toujours présentes aujourd’hui trois ans plus tard.»
Lenteur et incrédulité des secours
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Un caillot bouche une artère de mon cerveau comme dans 80% des cas recensés en France.
Tout ce temps perdu m’a fait perdre des millions de neurones et a entraîné des séquelles qui sont toujours présentes aujourd’hui trois ans plus tard.
La suite est banale: soins intensifs pendant plusieurs jours, de nombreux examens pour trouver la cause de mon accident, départ vers l’étage de neurologie, vérification de l’étendue de mes séquelles puis départ vers un centre de rééducation. Je suis restée douze jours au CHU de Bordeaux avant de partir en hospitalisation dans un centre de rééducation situé à cinq kilomètres de chez moi, un luxe!
J’ai vécu cinq mois en hospitalisation complète dans ce SSR (Soins et Suites de Réadaptation). J’y avais ma chambre décorée de photos de mon bébé, de mots de mes élèves, d’objets de chez moi pour me sentir bien. J’y ai lié des amitiés fortes autant avec des patients qu’avec du personnel soignant.
J’enchaînais les rééducations: orthophonie, kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, neuropsychologie, balnéothérapie, chaque jour de la semaine à coups de séance de quarante-cinq minutes.
J’étais la plus jeune du service, je n’avais aucun facteur de risques: pas de surpoids, pas d’hypertension, pas de combinaison tabac et pilule, pas d’alcoolisme ni de toxicomanie… Juste une malformation cardiaque congénitale, que j’ignorais, appelée FOP pour “Foramen Ovale Perméable”: un trou dans le cœur gros comme une petite pièce de monnaie qui a permis à un caillot de remonter vers mon cerveau et de créer des dégâts.
Découverte du monde du handicap
Mais hors de question de me laisser abattre! Pour ma famille et mes proches, j’ai décidé de tout mettre en œuvre pour récupérer mes facultés antérieures.
Trois mois après mon AVC, j’ai ouvert un compte Instagram: ”@mon. petit. avc”, alors que j’étais toujours en Centre de rééducation, dans lequel j’ai décidé de dessiner mon histoire afin de laisser une trace pour mon fils pour qu’il comprenne pourquoi sa maman n’était pas à la maison depuis des mois. N’étant plus capable d’écrire, les dessins m’ont alors paru la solution la plus facile. Destiné initialement à mes proches, ce compte a rencontré du succès et une communauté de victimes d’AVC de tous âges s’est créée autour de moi. Chaque jour, je discute via message privé avec des dizaines de patients, leurs familles, leurs amis, mais aussi des soignants qui découvrent cette maladie sous un œil nouveau.
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En octobre 2020, j’ai eu l’immense chance d’être contactée par les Éditions Larousse afin de regrouper tous ces petits dessins, faits avec les moyens du bord sur ma tablette de chambre d’hôpital, dans un roman graphique qui raconterait mon AVC.
Après des mois de travail, le livre est sorti le 29 septembre dernier et je l’espère du fond du cœur, aidera des personnes désireuses de mieux comprendre le post AVC.
3 ans plus tard
Mon Congé Longue Maladie touche à sa fin (trois ans, c’est le maximum pour AVC, et ce n’est malheureusement pas suffisant pour ce type d’accident…), j’essaye de retrouver le chemin de l’emploi en devenant professeur correcteur au CNED (Centre National de l’Éducation à Distance).
Je suis lucide, à cause de mes séquelles je ne peux plus enseigner à des élèves en classe, ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque.
Depuis bientôt trois ans, ma tasse a été nettoyée et m’attend dans l’égouttoir de la salle des profs, les contrôles n’ont jamais été corrigés, mes 6 sont devenus des 3, mon tablier doit traîner, encore sale et désormais poussiéreux, accroché au milieu de ma réserve.
Ces reliques symboliseront à jamais la Margot d’avant.
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