Gabrielle se bat contre la grossophobie
« On achève bien les gros », le documentaire coup de poing sur la grossophobie
Gabrielle Deydier fait 125 kg pour 1,54 m. Depuis l’adolescence, elle est victime de brimades traumatisantes et de discriminations. Le quotidien des « gros », elle a décidé de le documenter.
« Je fais 125 kilos, ça me regarde. Je le vis comme je le vis. Je ne prône pas ça comme un mode de vie. Ce n’est pas un mode de vie. Être gros, être obèse, ce n’est certainement pas quelque chose que je souhaite à qui que ce soit », assure Gabrielle Deydier, autrice et réalisatrice. Son documentaire, On achève bien les gros, est disponible sur le site d’Arte dès le 3 juin.
Un mauvais diagnostic
Tout a commencé quand Gabrielle avait 16 ans. À l’époque, elle n’a qu’un léger surpoids, et elle est très sportive. « J’étais très musclée, assez massive et petite. Donc un peu trapue, et je complexais à propos de ça », se souvient-elle. Avec l’arrivée de la puberté, Gabrielle complexe de plus en plus, et prend une taille de jean. « J’ai acheté un jean en taille 42, et ça a été le début de ces angoisses de passer du 42 au 44, du 44 au 48, et du 48 au 52. » Elle finit par aller voir un médecin.
Celui-ci lui annonce alors qu’elle a entre 15 et 20 kg à perdre, et lui fait un bilan hormonal. Mais son diagnostic est erroné. « Il m’a diagnostiqué une maladie de la glande surrénale. Il se trouve que sept ans et sept endocrinologues plus tard, on a découvert qu’en réalité, j’avais un syndrome d’ovaires polykystiques », constate amèrement Gabrielle.
Des traitements hormonaux inadaptés
S’ensuivent alors des années d’errance diagnostique, pendant lesquelles les traitements hormonaux font encore grossir Gabrielle. « Le premier m’a fait prendre 28 kilos en trois mois. En parallèle, il a fallu perdre ces 28 kilos et les 15 à 20 kilos qu’il estimait que j’avais en trop », détaille la jeune femme. Là, tout part en vrille.
Car les régimes finissent par entraîner des crises d’hyperphagie, des moments où Gabrielle se met à manger en très grande quantité en très peu de temps. « Ce n’est pas mû par la faim, ni par la gourmandise. C’est vraiment quelque chose de compulsif : on mange comme on pourrait taper quelqu’un. » Gabrielle compare alors son rapport à la nourriture à un comportement autodestructeur : « Ces crises-là, je peux les comparer à des crises de scarification. Le but, c’était de me retrouver dans des états semi-comateux, c’était d’oublier que j’avais mal. »
Un combat contre la grossophobie
Aujourd’hui, Gabrielle se bat contre la grossophobie et les discriminations liées à l’obésité. « Il y a 17 % des Français qui sont obèses. À partir de quel moment une partie de la population doit être discriminée ? Est-ce que ça vous semble normal que ces gens-là ne soient pas représentés ? » s’interroge-t-elle.
D’autant que l’obésité est une maladie multifactorielle, et en aucun cas la conséquence d’un manque de volonté, comme beaucoup peuvent le penser. « Il y a à la fois un terrain génétique, un terrain familial, un terrain d’éducation, mais aussi un terrain économique, un terrain environnemental. On ne devient pas obèse par hasard », résume Gabrielle.
« Un recruteur m’a dit que le QI était inversement proportionnel à l’indice de masse corporelle »
Dans de nombreuses situations, Gabrielle a dû faire face à ces discriminations et à ces clichés liés à l’obésité. Notamment lors de ses entretiens d’embauche. « Un recruteur m’a dit que le QI était inversement proportionnel à l’indice de masse corporelle. Donc il sous-entendait que plus on était gros, plus on était débile », se souvient-elle.
La jeune femme assure que pas une seule fois, elle n’a pas été maltraitée durant l’exercice d’un emploi. Même par ses collègues au même rang hiérarchique. « Il y avait des débats sur les retraites, j’avais des remarques qui étaient : « Ah mais Gabrielle, elle n’aura jamais de problèmes de retraite, elle crèvera dans sa graisse avant. » »
« Il est urgent que les gros se montrent »
Conséquence directe de ces brimades et humiliations quotidiennes : la peur de se montrer pour les personnes obèses ou en surpoids. « Je connais des gens qui mettent des pulls en été parce qu’ils ont peur qu’on leur dise que leurs bras sont trop gros », assure Gabrielle. Elle-même a grandi dans le sud de la France, près de la mer et des rivières, mais elle s’est longtemps privée de se baigner. « T’as peur qu’on te dise que t’as de grosses cuisses, que t’es dégueulasse, qu’on fasse référence au film “Sauvez Willy“… »
Mais aujourd’hui, Gabrielle a réussi, à force de courage et d’acceptation de soi, à passer outre ces discriminations. Et elle espère que son documentaire donnera la force à d’autres « gros » de faire de même. « Personne ne mérite de se faire du mal, personne ne mérite de vivre reclus. Je pense qu’il est urgent que les gros se montrent, qu’ils mettent des débardeurs, qu’ils mettent des shorts, qu’ils se promènent à poil s’ils veulent. »
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