Hugo THOMAS – France 2022 1h35mn – avec Ewaw Bourdelles, Noah Zandouche, Vanessa Paradis, Alaïs Bertrand… Scénario de Hugo Thomas et Jules Lugan. Cet épatant Juniors n’est pas un film pour enfants, mais il peut tout à fait être vu à partir de 10 / 12 ans.

Du 26/07/23 au 22/08/23

JUNIORSVoilà un chouette film, inventif et malin, souvent désopilant mais parfois grave et toujours tendre, capable de ce prodige : réunir dans un même rire trois voire quatre générations – pour les mômes qui ont la chance d’avoir des arrière-grands-parents. La génération Alpha (autrement dit née après 2010) s’y retrouvera pile poil tandis que ses aînés plus ou moins vieux auront l’occasion d’avoir enfin une vision juste et marrante de cet être mystérieux et insaisissable, se nourrissant massivement de chips et de Pitch (ces brioches industrielles infâmes, fourrées au chocolat) devant un écran – de moins en moins de télévision, de plus en plus d’ordinateur, ou de smartphone.
Juniors s’inscrit donc dans la riche tradition du teen movie, et c’est un joyeux mélange entre le génial Les Beaux gosses de Riad Sattouf (qui révéla un tout jeune Vincent Lacoste pas encore débarrassé de son appareil dentaire) et le très mésestimé Microbe et Gasoil de Michel Gondry, formidable film d’aventures à hauteur d’ados. Avec une petite dose de l’esprit d’un parrain en la matière, j’ai nommé François Truffaut et ses 400 Coups.
Mais Juniors affiche une spécificité remarquable : il évoque la jeunesse coincée en milieu rural, celle qui s’emmerde ferme avec les champs et l’orée des bois comme seuls horizons, pas encore sensible à la chance d’habiter en communion avec la nature et rêvant plutôt de plaisirs urbains. Des ados qui, paradoxalement, grâce aux réseaux sociaux, connaissent parfaitement le monde depuis leur village et jouent en réseau à des jeux d’arcanes avec des homologues coréens !

Mais il est temps de présenter nos deux héros : Jordan, quatorze ans, le petit gringalet malin un peu livré à lui-même en raison de l’absence fréquente de sa mère infirmière (le père, lui, est complètement hors champ) et son pote du même âge Patrick, toujours là, toujours d’accord, un peu lourdaud mais il ne faut pas se fier aux apparences. Le truc qui lance le film, c’est que le premier n’aurait jamais dû, sous prétexte qu’il préfère garder pour lui les vingt euros du coiffeur, demander au second de lui couper les cheveux. Patatras, la tondeuse dérape et en résulte une tonsure hideuse qui ne laisse qu’un seul choix à Jordan : se raser complètement la tête. OK, Patrick rase. De cette boule à zéro naît un malentendu : les joueurs en réseau croient que Jordan a le cancer et certains lui donnent quelques euros en ligne. De cette générosité naît dans la tête de Jordan la plus mauvaise idée du monde : prétendre qu’il est effectivement atteint d’un cancer et monter une cagnotte sur internet : « please, help me to live » dit-il face caméra. Tout ça pour acheter une nouvelle console de jeu ! À partir de là tout va s’emballer, la cagnotte a un succès inattendu et tous ses camarades de collège vont croire au cancer de Jordan au point de se raser la tête en témoignage de solidarité. Un petit mensonge entraîne de grosses conséquences qu’on ne peut plus freiner, c’est un ressort narratif super efficace et souvent savoureux, on en a une nouvelle preuve ici.

Comédie hilarante qui se joue des clichés sur l’adolescence, Juniors nous plonge, comme on l’annonçait plus haut, dans le monde rarement vu à l’écran de l’adolescence en milieu rural, ses élans, ses espoirs, ses désillusions, ses colères même. L’approche est précise et emporte l’adhésion par son authenticité mais le film s’éloigne du naturalisme grâce à un humour assez ravageur et des trouvailles permanentes dans la description des situations et l’écriture des personnages. Juniors est porté de bout en bout par deux formidables jeunes comédiens débutants qui donnent la réplique à une Vanessa Paradis impeccable en mère célibataire légèrement dépassée mais qui, dans une très belle scène, témoignera de son amour inconditionnel pour son fils.

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