Le programme du RN consiste à ponctionner les pauvres pour redistribuer aux plus riches
Le Rassemblement national (RN), en tête dans les sondages pour les prochaines élections législatives, est présenté depuis plusieurs années comme un parti normalisé, ayant « fait sa mue » selon certains, avec un programme économique « social » visant à soutenir le niveau de vie des classes populaires. L’analyse de la politique économique du RN montre qu’il n’en est rien.
Au contraire, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella a pour agenda un enrichissement des 10 % les plus riches au détriment des 30 % les plus pauvres, creusant ainsi les inégalités. Si ce programme était mis en œuvre, nos calculs sont formels : le décile du haut gagnerait en moyenne 1 160 euros par an, par unité de consommation, tandis que les trois premiers déciles perdraient en moyenne 230 euros par an.
A partir du programme de la présidentielle 2022, dont le Rassemblement national avait présenté un chiffrage macroéconomique que nous ne discutons pas ici, il est possible de calculer les conséquences des mesures de politique publique envisagées, sur la distribution des niveaux de vie dans la population.
Certes, le parti a déjà annoncé des renoncements, comme la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité qui n’est plus au programme et l’abrogation de la récente réforme des retraites que nous n’incluons pas dans l’analyse. Mais loin d’une volte-face, les annonces du président du Rassemblement national pour les élections législatives 2024 reprennent largement l’agenda des 22 mesures défendues en 2022.
Si ce programme était mis en œuvre, nos calculs sont formels : le décile du haut gagnerait en moyenne 1 160 euros par an
Le RN affirmait en 2022 que les propositions de son programme coûteraient 68,3 milliards d’euros par an (soit 2,5 points de PIB) et seraient financées par des économies structurelles (55 milliards) et des effets induits (13 milliards). Il ne s’agit pas d’évaluer si ces chiffrages sont cohérents mais plutôt de mettre en lumière les choix politiques portés par ces mesures, notamment en termes d’inégalités de niveau de vie.
Un effet anti-redistributif
Le niveau de vie des ménages est affecté par les transferts publics, positivement à travers les prestations qu’ils reçoivent et négativement par les prélèvements dont ils s’acquittent.
L’exercice présenté ici consiste donc, en injectant le programme économique du RN dans les comptes nationaux distribués publiés chaque année par l’Insee, à passer du niveau macroéconomique dans lequel des milliards d’euros sont manipulés, au niveau des ménages dont le niveau de vie sera concrètement affecté par ces politiques.
Pour distribuer dans la population certaines mesures, nous avons dû avoir recours à des sources de données externes. L’exercice est complexe, et nous avons choisi des hypothèses conservatrices lorsque certains choix ou interprétations devaient être faits (nous les précisons ci-dessous). Cela permet d’avoir, au premier ordre, une idée claire de la vision de la société portée par le RN.
Dans un premier temps, on isole l’effet des politiques socio-fiscales comme la suppression des droits sociaux des immigrés (-16 milliards), la lutte contre la fraude qui relève dans le discours du RN essentiellement de la fraude aux prestations sociales (-15 milliards), la baisse de TVA de 20 % à 5,5 % sur les produits énergétiques (+12 milliards), ou la suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) (+10 milliards), de l’effet des politiques visant à transformer les services publics comme la santé, l’éducation, la police ou la défense.
Les politiques socio-fiscales prévues par le RN ont un effet anti-redistributif largement visible dans le graphique ci-dessous, qui mesure la variation attendue du revenu disponible net des ménages (après taxes et transferts monétaires).
Les déciles du bas sont négativement impactés par les économies envisagées sur les prestations sociales, que ce soit à travers l’abrogation des droits sociaux des immigrés ou la lutte contre la fraude sociale.
Le dernier décile est affecté positivement par la suppression de la taxe CFE, distribuée en fonction du montant d’actions possédées par les ménages. La baisse de TVA sur les produits énergétiques, dont l’impact distributif dépend des consommations de biens énergétiques par décile, est aussi à l’avantage des derniers déciles.
Une politique anti-sociale
Dans un second temps, on intègre l’ensemble des mesures prévues par le programme (hors réforme des retraites), notamment les économies prévues sur le fonctionnement des agences de l’Etat (-8 milliards), le « plan santé » (+2 milliards), la revalorisation des salaires des enseignants (+4 milliards), les dépenses liées à la police, à la justice ou à la défense (+4,3 milliards). Les variations de niveau de vie se mesurent alors en proportion du revenu national distribué (incluant l’ensemble des services publics).
Avec le programme économique du RN, les 30 % les plus pauvres voient leur niveau de vie moyen baisser de 1 %
Le résultat est sans appel : suite à l’application de l’ensemble des mesures annoncées dans le programme économique du RN, les 10 % les plus riches voient leur niveau de vie moyen augmenter de 1,5 % (5 milliards d’euros leur sont distribués par l’Etat, ce qui correspond à 1 160 euros annuels par unité de consommation) tandis que les 30 % les plus pauvres voient leur niveau de vie moyen baisser de 1 % (3 milliards d’euros sont ponctionnés sur ces ménages du bas de la distribution, ce qui correspond à 230 euros annuels par unité de consommation).
Les classes moyennes, elles, voient leur niveau de vie globalement inchangé, car les pertes subies via les mesures de redistribution monétaire sont compensées par les dépenses de santé et d’éducation dont ils bénéficient.
En se basant sur leur propre chiffrage, notre analyse montre donc que le programme du Rassemblement national consiste à ponctionner les pauvres et les immigrés pour redistribuer vers les riches. Ainsi, le discours xénophobe n’est pas là pour masquer une politique anti-sociale mais pour conforter sa mise en place.
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