MICHEL PETRUCCIANI
Séance unique le jeudi 11 janvier à 20h
En partenariat avec JAZZ à JUNAS
Michael RADFORD – documentaire France 2011 1h42mn –
Du 10/01/24 au 16/01/24
C’est un film joyeux et trépidant, à l’image de l’incroyable vie de Michel Petrucciani, grand parmi les grands du jazz. L’énorme qualité de cette biographie riche en archives et témoignages filmés est de ne pas avoir cédé une seconde à la tentation de l’hagiographie gentiment larmoyante, tant l’amour de la vie et le courage contre la maladie déployés par Michel Petrucciani furent démentiels. Michael Radford va donc vous émouvoir certes mais aussi vous faire beaucoup rire, n’hésitant pas à montrer à l’occasion les défauts et les facettes irritantes (mais aussi attachantes) d’un personnage qui avait comme chacun de nous son côté sombre. Au passage, vous apprendrez, de la bouche même de quelques unes des femmes de sa vie, qu’il fut un don juan invétéré, compensant son handicap par un charisme irrésistible…
Mais revenons à l’essentiel. On ne peut pas dire que Michel Petrucciani était né sous une bonne étoile. Frappé par la maladie des os de verre, qui le fit naître brisé de partout et qui bloqua sa croissance, il eut une seule chance : venir au monde quelque part du côté d’Orange dans une famille de musiciens marqués au fer rouge du jazz. On apprend ainsi que, dès l’âge de 4 ans, il demande un piano. Ses parents ont la mauvaise idée de lui offrir un bidule miniature pour enfants, que le garnement déçu brise illico à coups de marteau. Tout de suite on comprend que le garçon aura du caractère. Et c’est en observant obstinément sa famille répéter dans un garage (il raconte, anecdote terrible, qu’une fois il tomba de sa chaise et se brisa le nez sans pouvoir se relever, mais qu’il préféra ne rien dire pour ne pas interrompre la répétition !) qu’il acquit sa vocation, avantagé par des mains incroyablement fines et agiles. Mains qu’il brisait régulièrement, de même que les os de ses épaules, de ses clavicules… en jouant comme un forcené, sans interrompre son concert pour autant. Extraordinaire, il faut le voir pour le coire !
Sa carrière précoce fut une extraordinaire succession de succès, obtenus parce que Petrucciani était génialement doué mais aussi incroyablement gonflé. A 13 ans, dans un festival local, il monte sans complexe sur scène à côté du trompettiste américain Clark Terry, d’abord dubitatif devant cette petite chose contrefaite, puis totalement bluffé, jusqu’à lui faire dire que Michel joua « comme un vieil homme noir perdu dans un bar de Mexico. » Il parvient plus tard à convaincre le saxophoniste Charles Lloyd, qui s’était retiré pour se consacrer au mysticisme hindou, de retravailler, Lloyd étant totalement subjugué par l’obstination selon lui surnaturelle de Petrucciani. Lequel Petrucciani sera le premier musicien blanc à signer, en 1986, avec le label mythique Blue Note.
Michael Radford, réalisateur anglais de films jusqu’ici très classiques (on retiendra son adaptation, invisible depuis longtemps, du 1984 d’Orwell), a su parfaitement mêler les témoignages des proches (en particulier ceux des femmes qu’il sut aimer intensément tout en les trompant allègrement, mais aussi celui bouleversant de son fils, également frappé de la maladie des os de verre et qui s’interroge magnifiquement sur son destin et celui de son père) à de nombreuses archives musicales (au côté des plus grands : Grapelli, Eddy Louiss, etc.) qui emballeront les amateurs de jazz… Petrucciani mourut à 36 ans, trop tôt sans doute mais sans regrets. Ce film formidable est à la hauteur de son talent, de son énergie, de sa générosité, de son irrépressible soif de vivre.
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