NOUS LA MANGERONS, C’EST LA MOINDRE DES CHOSES
42e CINEMED
Séance unique le dimanche 18 octobre à 11h
Écrit et réalisé par Elsa MAURY – Belgique/France 2020 1h07mn – Sélectionné à Visions du Réel, aux États généraux de Lussas et au festival Jean Rouch.
Du 18/10/20 au 18/10/20
Premier film d’Elsa Maury, qui a été réalisé dans le cadre d’une thèse en arts et sciences de l’art, Entre art et ethnographie, raconter et rendre compte de pratiques de vies et de morts (élevage et abattage), c’est ce qui est rendu visible dans ces images. C’est aussi dense qu’aride, avec un œil aiguisé et une image rocailleuse comme le piémont cévenol qui est filmé, les couleurs et le grain sont saisissants… Ce film a été entièrement tourné à Brissac au piémont des Cévennes.
Que vous consommiez ou non de la viande, il est fort possible que regarder Nous la mangerons, c’est la moindre des choses soit une expérience quelque peu éprouvante. Très graphique, le documentaire ne nous épargne aucune image dans la transformation de moutons en viande : égorgement, dépeçage, découpage, etc. Mieux vaut avoir l’estomac bien accroché.
Les méthodes qui nous sont montrées à travers le film sont pourtant bien plus douces que celles des grands abattoirs. L’approche de Nathalie, la jeune bergère des Cévennes à laquelle est consacré le documentaire, se veut éthique et respectueuse des bêtes, tant dans son comportement vis-à-vis d’eux au quotidien, que lorsqu’il s’agit de les tuer. En constante réflexion sur son rapport aux animaux, elle prend, au fur et à mesure que le film progresse, de plus en plus sur elle-même la tâche de les faire passer de vie à trépas – seule manière de s’assurer que ses moutons, auxquels elle a parfois donné un nom, seront « bien traités ».
Sa démarche, tatillonne et contradictoire, n’a rien d’évident : elle tente, ni plus ni moins, de réconcilier son affection pour ces animaux avec l’usage alimentaire qu’elle leur réserve. Cela donne lieu à quelques scènes saisissantes, comme celle d’un repas où elle explique à ses convives qui était le mouton qui se trouve en morceau sur leurs assiettes, et pourquoi il est arrivé là. À l’heure où les grandes industries se gardent bien de nous montrer comment la saucisse est faite, sa franchise a quelque chose d’honorable.
Cette honnêteté, la documentariste semble d’ailleurs l’adopter. Son regard sur les actions de la bergère est bienveillant (voire même très admiratif), mais aussi particulièrement frontal. Pas question de détourner la caméra lors de l’exécution des bêtes : sang et tripes prennent régulièrement possession de l’écran. Face à ces images éprouvantes, il est difficile de rester indifférent, qu’on soit consommateur de viande ou non. C’est là tout l’intérêt de ce film qui nous pousse à réfléchir activement à ce qui se trouve dans nos assiettes.
(Emprunté à Adrien Corbeel, RTBF)
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