PORNOMELANCOLIA
Dimanche 18 juin à 19h30, avant-première en présence du réalisateur Manuel
ABRAMOVICH, et de Daniel CHABANNES, de la société de distribution Epicentre Films
Manuel ABRAMOVICH – Argentine / France / Brésil 2023 1h35mn VOSTF – Avec Lalo Santos et Diablo, Brandon Ley, Chacalito Regio, Delmar Ponce, El Brayan, Lothar Muller, Mauricio Alivias, Adrián Zuki, Juan Ro, Octavio, Turko, Netito… Compétition officielle au Festival de San Sebastian et Grand Prix du Festival international du Film de Bordeaux. Interdit au moins de 16 ans.
Du 21/06/23 au 18/07/23
Certes lors de la sélection au grand festival basque de Donostia/ San Sebastian le film au titre évocateur a fait couler beaucoup d’encre et de polémiques On ne peut pas nier, Pornomelancolia qui gravite dans le monde du porno gay donne à voir un certain nombre de beaux spécimens de taille remarquable de vits, braquemarts et autres phallus (du coup votre rédacteur se demande s’il faut utiliser le pluriel latin et dire phalli). Les amateurs(trices) se régaleront, les ligues de vertus se scandaliseront. Mais ce serait bien réducteur de ne voir dans ce film remarquable que son vernis provocateur. La première scène étonnante, un plan fixe d’une durée troublante, pose le cadre. Derrière une vitre qui rend la scène parfois floue un homme seul dans une rue commerçante de Mexico, s’effondre en pleurs dans l’indifférence des passants.
On ne vous donnera pas les clés de l’intrigue mais tout le film n’est qu’une très belle réflexion non seulement sur les coulisses de la chair parfois triste du porno, mais aussi sur l’extrême solitude de personnages pourtant surexposés et qui parfois pour les plus célèbres d’entre eux ont des milliers de followers, les réseaux sociaux générant l’impression illusoire de fausses amitiés. Le réalisateur argentin, berlinois d’adoption, Manuel Abramovich qui souhaitait interroger justement les codes parfois oppressants de la masculinité a rencontré l’acteur porno Lalo Santos. Avec sa gueule d’ange virilisée par une moustache que n’aurait pas renié Freddie Mercury et un membre viril qui aurait fait de lui en son temps un modèle pour Mapplethorpe, Lalo est devenue une icône du monde gay, créant un personnage adulé de par le monde par des milliers de fans grâce aux réseaux sociaux, notamment Only fans, plateforme destinée de plus en plus à monétiser auprès des abonnés du contenu sexuel. Manuel Abramovich a proposé à Lalo de construire une version fictionnelle alternative de lui-même nourrie néanmoins de sa propre vie, alors qu’il s’apprête à tourner ce qui est assez savoureux, Pornozapata (le film va prochainement réellement sortir), une réécriture très sexuelle du héros révolutionnaire mexicain en insistant notamment sur sa proximité très physique avec son camarade Pancho Villa. Les fans gauchistes des deux personnages s’étrangleront peut être.
Mais ce sur quoi le réalisateur insiste, c’est bien le hors champ de tout ça . Il y a le rapport au travail, Lalo travaille dans une usine métallurgique et croit s’en échapper mais il y retrouve parfois les mêmes rapports d’exploitation. Il y a surtout l’immense solitude de Lalo, on lui devine une famille lointaine par quelques coups de fils, mais sa seule vraie famille sont ses camarades de plateaux (il y a une scène magnifique où chacun entre deux prises évoque ses proches lointains) et ses abonnés. Le réalisateur a notamment développé une application permettant de voir à l’écran tout ce qu’écrit sur son indispensable téléphone Lalo qui semble vouloir croire à l’affection de milliers de gens qui en veulent principalement à son corps. Et Manuel Abramovich questionne de manière fascinante autant l’absurdité des relations sociales et sentimentales dans notre monde hyperconnecté de manière factice, que le carcan des modèles virilistes aussi prégnants dans le monde gay qu’hétéro.
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