Travailleurs immigrés : une loi scélérate
Honte, déshonneur, naufrage… Il n’y a pas de mot assez fort pour décrire le crash du projet de loi immigration dont la version ultradroitisée a finalement été votée le 19 décembre au Sénat puis à l’Assemblée nationale.
L’histoire retiendra l’issue funeste de cette commission mixte paritaire, qui marquera d’une pierre noire le quinquennat. Triste spectacle d’un Emmanuel Macron soufflant des consignes dans l’oreillette d’Elisabeth Borne qui a multiplié les gages aux républicains, sous les vivats du RN.
Puisqu’un accord scélérat vaut mieux que pas de loi du tout, le résultat est une litanie de durcissements : remise en cause du droit du sol, restrictions au regroupement familial, délit de séjour irrégulier, création de quotas d’étrangers, limitation des prestations sociales…
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Le 18 décembre, la Première ministre s’est même fendue d’une lettre au président du Sénat pour lui garantir qu’une réforme de l’aide médicale d’Etat serait menée début 2024. Peu importe que la moitié des étrangers éligibles à cette aide n’y ont pas recours et que les dépenses soient loin de déraper.
Le fantasme de « l’appel d’air »
La majorité a préféré céder aux menaces fantasmées de « l’appel d’air ». Les arrivants seraient aimantés par notre modèle social généreux. Tant pis si aucune étude ne démontre de lien entre les deux. Peut-on raisonnablement croire que des migrants subsahariens rejoignent l’Europe au péril de leur vie pour se faire poser des hanches en plastique et bénéficier des APL ? Et encore faut-il, selon les prestations, démontrer une ancienneté de résidence et d’emploi. Ce qui existe déjà dans de nombreux cas. Un étranger doit être sur le sol français depuis cinq ans au moins pour toucher le RSA.
Si des migrants continuent de s’entasser sous des tentes dans des conditions indignes, c’est bien parce qu’ils n’ont pas d’alternative de survie. Les candidats à l’exil savent que la France n’est pas un eldorado mais leur seul espoir est de pouvoir travailler. Avant de pouvoir le faire légalement, ils sont nombreux à assurer les boulots des premières et secondes lignes que le chef de l’Etat tenait tant à saluer pendant le confinement.
Las, l’article 4 bis sur la régularisation des sans-papiers voté le 18 décembre fait regretter l’article 3 du projet de loi initial. Imparfait, notamment sur la définition restrictive d’une liste de métiers en tension, il avait au moins l’avantage d’offrir un titre de plein droit d’un an aux travailleurs sans papiers. Surtout, il mettait fin au pouvoir discrétionnaire des préfets qui décident de leur régularisation ou non, créant ainsi des disparités entre les départements.
Cette situation va même être renforcée puisque ce sont les préfets qui, « au cas par cas », valideront ces titres de séjour, sans sollicitation de l’employeur. Il faudra avoir résidé en France au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins un an sur les ving-quatre derniers mois pour espérer décrocher le sésame.
De manière étonnante, le travail constitue une frontière pour les promoteurs de la loi. Les immigrés en situation régulière qui ne travaillent pas devront attendre cinq ans pour toucher des allocations familiales ou des APL, mais ce sera respectivement trente mois et trois mois pour ceux qui sont en emploi.
Pour autant, ce n’est pas un traitement de faveur, cette loi ne fait que mettre des bâtons dans les roues de ceux qui travaillent déjà ou qui veulent le faire. L’article qui autorisait les réfugiés à exercer une activité dès le dépôt de leur demande d’asile et non pas au bout de six mois a été supprimé.
Or, on le sait, plus les conditions d’accueil sont optimales, plus l’intégration est réussie. Sur tous les plans : moins de problèmes de santé, de chômage, de délinquance et plus d’effets positifs sur l’économie et la démocratie. Mais aux droits fondamentaux, les parlementaires ont préféré la pente plus facile du populisme.
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