Economie : les trois héritages des années Giscard
Bien sûr, il restera les évolutions sociétales du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, de l’autorisation de l’IVG au droit de vote à 18 ans. Mais il y a également un héritage économique giscardien, celui des premières réponses libérales françaises à la crise du modèle de croissance qui frappe le pays.
La dette, pas les impôts
En 1973, juste avant d’arriver au pouvoir, VGE, alors ministre des Finances de Pompidou, lance le fameux « emprunt Giscard », un emprunt public à 7 % de taux d’intérêt, indexé sur l’or. L’histoire a retenu, à juste titre, son coût exorbitant pour les finances publiques : 90 milliards de francs courants de remboursements – dernier paiement en 1988 – pour un emprunt de 6,5 milliards… Mais on oublie la motivation de cet emprunt : financer par la dette une baisse des taux de TVA, ramenés de 23 % à 20 % et de 7,5 % à 7 %.
C’est le premier héritage libéral du futur président, qui marquera les choix de politique économique des conservateurs jusqu’à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire : moins d’impôts, plus de dette. En dépit d’un ratio de recettes fiscales sur PIB en augmentation (Raymond Barre a fait de la rigueur par la hausse des impôts), la dette publique est passée de 12 % du PIB fin 1973 à 22 % en 1981. Ce sont les politiques économiques libérales qui feront grimper les dettes. Car la baisse des dépenses souhaitée pour équilibrer les budgets n’est pas facile à réaliser.
La faute à l’Etat providence
Avec la crise des années 1970, la croissance est en panne et le chômage grimpe. Les stabilisateurs budgétaires entrent en jeu : moins de recettes fiscales, plus de dépenses sociales, le déficit public s’accroît. La logique libérale souhaitant diminuer les impôts, il aurait fallu réduire les dépenses pour maîtriser les déficits et la dette.
La volonté de réduire l’Etat providence en l’accablant de tous les maux restera toujours présente
Or, la montée des dépenses publiques est le résultat du développement de l’Etat providence. La protection sociale représente une part croissante des revenus des ménages, c’est l’une des bases du compromis socio-politique français. La volonté de comprimer les transferts sociaux est donc toujours difficile à tenir, car ils représentent l’un des piliers du modèle de croissance. Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher utilisera la manière forte. En France, les libéraux n’iront pas aussi loin à l’époque, mais la volonté de réduire l’Etat providence en l’accablant de tous les maux économiques français restera toujours présente. Emmanuel Macron reste sur la même ligne avec la baisse des APL, sa réforme de l’assurance-chômage et sa réforme des retraites avortée.
Flexibiliser le marché du travail
Enfin, le dernier héritage de la période giscardienne s’incarne dans la fascination d’un modèle allemand mercantiliste, où la maîtrise des coûts salariaux donne de la compétitivité aux entreprises et permet d’engranger des excédents extérieurs. C’est la période où le patronat commence à rêver de flexibilisation du marché du travail (par l’intérim à l’époque), celle où aux Assises du patronat de 1980, François Ceyrac, le patron des patrons, lance que « le maintien du pouvoir d’achat, c’est un luxe » !
La principale réponse des entreprises sera d’accélérer les politiques de réduction des coûts : coûts salariaux, par les délocalisations, coûts fiscaux, par le recours croissant aux paradis fiscaux.
Reste enfin, malgré tout, une volonté giscardienne d’encadrer au niveau international ce libéralisme naissant. Le président de la République poussera à ce que les Européens puissent encadrer les variations des taux de change de leurs monnaies, et à ce qu’un G7 puisse échanger sur les problèmes du monde. Avec le peu de succès que l’on sait dans les deux cas.
Le septennat de VGE a marqué la rupture avec l’économie d’après-guerre. Ces années ont été marquées par la crise pétrolière. Mais il a posé les bases idéologiques du libéralisme à la française dont les conservateurs d’aujourd’hui restent de manière assez frappante les héritiers en ligne directe.
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