UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR
Écrit et réalisé par Leyla BOUZID – France / Tunisie 2021 1h43 VOSTF – avec Sami Oultalbali, Zbeida Belhajamor, Diong-Kéba Tacu, Aurélia Petit…
Du 29/09/21 au 19/10/21
Sans jouer au vieillard nostalgique, il fut un temps pas si lointain où bon nombre de filles et de garçons construisaient leur premier imaginaire sexuel grâce à la littérature érotique, le pouvoir des mots sur la sexualité étant infini. Votre serviteur est ainsi tombé très tôt – et par hasard – sur La Philosophie dans le boudoir de Sade, qui a changé pas mal sa vie. L’accès trop facile pour les ados aux images pornographiques et à leur vision formatée et le plus souvent sexiste n’existait pas et franchement ça n’était pas plus mal. Le très délicat et envoûtant Une histoire d’amour et de désir évoque une initiation amoureuse et littéraire, c’est si rare ! Et qui plus est à travers le personnage d’un garçon, brisant ainsi ce présupposé comme quoi la fragilité et la pudeur seraient des valeurs essentiellement féminines.
Voici donc l’histoire d’Ahmed, un jeune homme issu d’une famille algérienne vivant dans un quartier populaire, qui fait sa première rentrée sur les bancs de la Sorbonne pour entamer des études littéraires. Il va faire une rencontre qui va bouleverser son petit cœur et un peu plus que ça, en la personne de Farah, une jeune Tunisienne fraîchement arrivée à Paris, aussi libre et à l’aise que notre Ahmed est taiseux et timide. La rencontre a lieu à l’occasion d’un cours de littérature dans lequel est enseignée la tradition érotique arabe, d’une richesse méconnue de beaucoup – qui croient que seuls les contes des Mille et une nuits ont mis un peu de piment dans le monde arabe médiéval.
Dès lors Ahmed doit affronter le tourment intérieur de ses sentiments : il doit concilier une vision probablement idéalisée de l’amour et le désir sexuel naissant, mais aussi assumer la remise en question de sa propre culture dont il découvre en fait toute une partie, lui qui ignorait qu’elle pouvait proposer une vision fort peu rigoriste et religieuse des relations amoureuses.
Dans son premier film, À peine j’ouvre les yeux (2015), Leyla Bouzid faisait un magnifique portrait de la jeunesse tunisienne en quête de liberté, suivant un groupe de rock emporté dans le tourment de la révolution de 2010. Le film était tout en mouvement et en caméra à l’épaule, au plus près de l’effervescence des événements. Dans ce deuxième long métrage, plus écrit (et remarquablement !) et construit, la mise en scène est plus posée, prenant le temps de suivre les premiers émois des deux protagonistes, leurs regards furtifs, leurs gestes parfois interrompus. Elle introduit aussi beaucoup de complexité, n’opposant jamais les deux personnages, s’attachant au contraire avec douceur aux atermoiements d’Ahmed, prisonnier de ses préjugés, du qu’en dira-t-on de son quartier… avant de se révéler peu à peu au contact de Farah.
Leyla Bouzid filme aussi superbement la libération de la parole dans la famille d’Ahmed, marquée par les années noires algériennes, par des souffrances longtemps tues. Bravant ainsi les clichés et les idées préconçues, Leyla Bouzid livre simplement, en se libérant des facteurs culturels paralysants, un splendide film sur l’éveil amoureux, à voir sans hésiter et à montrer si possible à tous les ados de votre entourage.
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