BLACKBIRD, BLACKBERRY
La séance du samedi 16 décembre à 20h sera précédée d’un apéritif offert par l’association, et suivie d’une discussion en salle en présence de membres de Cultures Est.
Elene NAVERIANI – Géorgie 2022 1h51mn VOSTF – avec Eka Chavleishvili, Teimuraz Chinchinadze, Lia Abuladze, Rezi Karosanidze… Scénario d’Elene Naveriani et Nikoloz Mdivani d’après le roman de Tamta Melashvili.
Du 13/12/23 au 02/01/24
D’apparence virile et dure avec sa carrure robuste et ses traits anguleux, Ethéro apparaît froide, impassible, impénétrable. À 48 ans, elle semble bien n’avoir jamais pris le temps de s’arrêter, se poser, pas même de faire ce petit bilan au mitan de sa vie, méditer sur ses choix, ses réussites et ses regrets. Solitaire, Ethéro cueille depuis toujours, au fil des saisons, les mûres savoureuses de son village de Géorgie qu’elle n’a jamais quitté, tout en tenant l’épicerie du coin. Cette routine imperturbable, un peu à l’écart de la communauté, questionne les femmes du village qui jugent cette activité comme la manifestation d’une carence, elles qui sont équipées d’un mari et d’enfants, comme tout le monde, comme toute femme. Pourtant elles ne semblent pas si épanouies que ça dans leurs mariages ! Et on se dit qu’elles sont peut-être aussi un peu jalouses de ne pas avoir cette indépendance. Libre, Ethéro n’était, ne se croyait pas faite pour l’amour.
Et puis… Et puis Mourmane, le gentil livreur qui lui fournit régulièrement les denrées pour son épicerie, va cueillir en elle ce désir qu’elle n’avait jamais senti s’éveiller. Quelque chose brûle en elle, c’est tout doux, c’est tendre, ça vit. Au-delà du poids des injonctions de la société et des attentes des hommes de sa famille dont les ombres planent dans la maison et pèsent sur ses larges épaules, Ethéro va se découvrir et explorer son corps, sa sensualité et sa sexualité. « Et toi, comment es-tu devenu un gentil chien au milieu de tous ces loups ? » dit Ethéro à Mourmane comme pour interroger cette difficulté à exprimer son amour des autres dans une société où il faut se protéger.
Elene Naveriani nous invite à regarder la manière dont on fait corps avec la société, la place qu’on assigne aux femmes et celle qu’elles prennent, les choix qu’elles font ou ne font pas. Et parlant de corps et de regard, son film interroge subtilement l’un et l’autre : notre regard de spectateur, la représentation du corps des femmes, formatée par des décennies de standardisation hollywoodienne. Le corps de la femme magnifique qu’est Ethéro apparaît ici brut, épuré de toute artificialité, pour construire une image juste et sincère. Pour les femmes, il est toujours question en société d’horloge biologique. On juge les femmes seules, sans enfants et on leur rappelle qu’il faut procréer, qu’il faut faire famille, comme si c’était un besoin communément et forcément partagé. Ethéro est en dehors de ces schémas-là. Plutôt que remplir des devoirs, répondre à des objectifs dictés par les autres, si la vie, la vraie, c’était simplement aimer ? Elene Naveriani, à propos de sa protagoniste déclare : « On assiste petit à petit à sa transformation, elle explore un désir de vie qui était jusqu’alors écrasé par les autres. Je crois qu’on a tous en nous cette envie d’être libre et de suivre nos désirs mais nous n’arrivons pas toujours à trouver notre voie au quotidien. » Ethéro la trouve, nous en fait profiter, et c’est exaltant !
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